Il est temps pour la RDC de cesser de jouer le jeu du Rwanda trompeur

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Rene Mugenzi

Auteur, expert en innovation sociale et droits de l’homme

Cet article expose le rôle trompeur du Rwanda dans les négociations de paix avec la RDC, soulignant comment les actions de Kigali prolongent le conflit et les souffrances dans la région des Grands Lacs. Il appelle la RDC à abandonner les pourparlers futiles et à privilégier la justice et la souveraineté face aux manipulations du Rwanda

Des millions de citoyens congolais, déplacés, victimes de violences et de souffrances indicibles à cause du conflit persistant au Nord-Kivu, ont vu leurs espoirs de paix une fois de plus anéantis. Un accord de paix très attendu entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, prévu pour être signé à Luanda, en Angola, a été brusquement annulé à la dernière minute de dimance le 15 Decembre 2024. Le président rwandais, Paul Kagame, a refusé d’assister au sommet, laissant le président congolais Félix Tshisekedi et le médiateur Uhuru Kenyatta, ancien président du Kenya, attendre dans la capitale angolaise.

Cet accord était censé être une étape majeure vers la résolution du conflit prolongé au Nord-Kivu, largement alimenté par les affrontements entre le gouvernement congolais et le groupe rebelle M23. Après des mois de négociations aux niveaux militaire, du renseignement et ministériel, sous la médiation de l’Angola, le Rwanda devait s’engager à retirer plus de 4 000 soldats accusés de soutenir les rebelles du M23 sur le territoire congolais, tandis que la RDC devait neutraliser et désarmer les FDLR, une milice anti-rwandaise opérant à ses frontières.

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Cependant, la décision du Rwanda de boycotter le sommet a mis en lumière son manque de sincérité dans le processus de paix. Kigali a déclaré qu’« aucun consensus n’a été atteint entre le Rwanda et la République démocratique du Congo sur un engagement à des pourparlers directs avec le groupe rebelle congolais M23. » Cette justification sonne faux, étant donné que la RDC a toujours refusé de négocier directement avec le M23, une position bien connue.

Le ministre congolais de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, également porte-parole du gouvernement, a résumé ce sentiment mondial par cette déclaration :

« Le monde entier a constaté aujourd’hui que l’ennemi de la paix dans les Grands Lacs s’appelle Paul Kagame. Opter pour la politique de la chaise vide, sous des fallacieux prétextes, c’est reconnaître sans ambages son incapacité à œuvrer pour le retour de la paix. »

Une stratégie de tromperie constante

L’attitude du Rwanda n’est pas nouvelle. Elle reflète une stratégie bien établie de tromperie et de retard. Une preuve flagrante en est la structure même des négociations de Luanda. Bien que l’objectif principal soit de résoudre le conflit avec le M23, aucun représentant officiel de ce groupe rebelle n’a jamais été présent aux discussions. Pourtant, le Rwanda a joué un rôle central dans toutes ces réunions, comme s’il représentait implicitement le M23. Cette situation démontre que la communauté internationale, ainsi que les acteurs régionaux, acceptent tacitement que le M23 est simplement un prolongement du régime de Kigali.

Cette reconnaissance implicite renforce l’idée que le Rwanda est au cœur de l’instabilité au Nord-Kivu. Si le M23 était véritablement indépendant, sa non-représentation dans les négociations aurait été un obstacle insurmontable. Le fait que ces discussions aient progressé sans leur présence souligne que le M23 et le Rwanda sont considérés comme une seule et même entité. Cela rend d’autant plus flagrante l’hypocrisie du Rwanda lorsqu’il nie toute implication avec le M23, tout en exigeant que la RDC engage un dialogue direct avec ce groupe rebelle.

Les véritables objectifs du Rwanda en RDC

Le refus du Rwanda de signer l’accord de Luanda peut également être attribué à sa crainte de deux conséquences majeures : juridiques et financières. Premièrement, reconnaître sa présence militaire en RDC pourrait entraîner des poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI) ou la Cour internationale de justice (CIJ) pour les crimes commis dans les zones contrôlées par le M23. Deuxièmement, admettre son rôle dans l’exploitation illégale des ressources minières au Nord-Kivu risquerait de compromettre des accords lucratifs, notamment ceux avec l’Union européenne pour le développement d’infrastructures de raffinage des minerais. Ces partenariats, qui reposent sur la perception du Rwanda comme un producteur légitime de minerais, pourraient s’effondrer si ses actions illégales étaient confirmées.

Ces craintes sont étroitement liées aux véritables objectifs du Rwanda en RDC. Le Nord-Kivu, une région riche en ressources minières stratégiques telles que le tantale, le niobium et l’étain, représente un enjeu économique crucial pour le régime de Kagame. En soutenant le M23, le Rwanda cherche à maintenir une influence militaire et économique sur cette région, tout en déstabilisant l’autorité centrale de la RDC. Cette stratégie permet au Rwanda d’accéder à des ressources inestimables tout en affaiblissant un voisin clé dans la région des Grands Lacs.

Les sanctions américaines: un précédent crucial

Les États-Unis ont imposé des sanctions ciblées au Rwanda, visant des responsables impliqués dans le soutien au M23 et ses actions déstabilisantes en RDC. Ces mesures incluent des restrictions de visa et le gel des avoirs, avec pour objectif de responsabiliser Kigali pour son rôle destructeur dans la région. Cependant, ces sanctions, bien que nécessaires, n’ont pas encore atteint un niveau de sévérité suffisant pour contraindre le régime rwandais à adopter un comportement significativement différent.

Le cas de Paul Rusesabagina, où la pression américaine a directement conduit à sa libération, démontre que Kigali peut répondre à des actions internationales fortes et cohérentes. Une stratégie similaire est indispensable dans le contexte du Nord-Kivu. Les États-Unis et leurs partenaires devraient non seulement renforcer ces sanctions, mais également élargir leur portée en imposant des restrictions économiques et en ciblant les accords financiers liés à l’exploitation illégale des ressources minières au Nord-Kivu. En parallèle, la suspension des financements directs au régime de Kagame devrait être envisagée pour renforcer la pression internationale et pousser Kigali à revoir ses actions dans la région.

La réponse dangereuse du Rwanda sous pression

Lorsque le Rwanda est confronté à une pression internationale accrue, son régime répond souvent par des tactiques dangereuses et calculées, qui exacerbent les souffrances humaines tout en détournant la responsabilité vers d’autres acteurs. Par le passé, Kigali a utilisé des stratégies visant à aggraver les crises humanitaires, telles que l’intensification des violences ou la manipulation des récits pour se positionner en « protecteur » ou en acteur indispensable à la stabilisation de la région.

Dans le cadre du conflit au Nord-Kivu, il est probable que le Rwanda réagisse à une pression internationale accrue en augmentant son soutien au M23 ou en orchestrant une escalade de la violence, afin de rejeter la responsabilité sur le gouvernement congolais. Ces actions visent à détourner l’attention des véritables causes du conflit tout en justifiant la présence rwandaise en RDC.

La RDC et ses partenaires régionaux doivent donc rester extrêmement vigilants face à ces manœuvres. Il est impératif que les efforts de paix anticipent et contrent ces tactiques de manipulation, en renforçant les mécanismes de surveillance des activités rwandaises au Nord-Kivu et en consolidant les alliances régionales pour isoler politiquement Kigali.

Une voie vers la paix et la justice

La RDC et ses partenaires doivent reconnaître que négocier avec le Rwanda est un exercice futile. Kagame et son régime manipulent le processus pour éviter toute responsabilité. Pour mettre fin à ce cycle destructeur, les mesures suivantes doivent être prises :

  1. Mettre fin aux négociations inutiles : La RDC doit immédiatement cesser tout dialogue impliquant le Rwanda et explorer des solutions alternatives avec des partenaires régionaux.
  2. Renforcer les actions juridiques nationales : La RDC doit utiliser son système judiciaire pour poursuivre les responsables des crimes commis sur son territoire, y compris en émettant des mandats d’arrêt internationaux.
  3. Engager des recours juridiques internationaux : Le gouvernement congolais doit porter ses dossiers devant la CPI et la CIJ, avec des preuves solides de la présence militaire rwandaise en RDC.
  4. Consolider les alliances régionales : La RDC doit approfondir sa collaboration avec des organisations comme la SADC pour développer des solutions excluant l’influence du Rwanda.
  5. Augmenter la pression internationale : Les États-Unis et d’autres partenaires doivent imposer des sanctions plus sévères au régime de Kagame et couper les flux financiers liés à l’exploitation illégale des ressources au Nord-Kivu.

Pour des décennies, le régime de Kagame a exploité l’instabilité régionale au détriment de la paix et des droits humains. Les souffrances du peuple congolais doivent cesser. Il est temps de mettre en œuvre une nouvelle stratégie qui privilégie la justice, la souveraineté de la RDC et des solutions durables à ce conflit prolongé.Recommandé (0)Recommandé (0)

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